Quadrivecteur

Vue d'artiste de la sonde Gravity Probe B, en orbite autour de la Terre pour vérifier certains aspects de la théorie de la relativité générale.

En physique, un quadrivecteur est un vecteur à quatre dimensions utilisé pour représenter un événement dans l'espace-temps[1]. Dans la théorie de la relativité restreinte, un quadrivecteur est un vecteur de l'espace de Minkowski, où un changement de référentiel se fait par des transformations de Lorentz (par covariance des coordonnées).

En relativité restreinte, un quadrivecteur[2],[3] (ou 4-vecteur)[2],[3] est un vecteur[2],[3] appartenant à l'espace vectoriel E {\displaystyle E} associé à l'espace affine E {\displaystyle {\mathcal {E}}} qu'est l'espace-temps[3],[4]. Un quadrivecteur a quatre composantes[2],[5],[6] homogènes en dimension[6].

Exprimés dans une base vectorielle donnée de l'espace-temps de Minkowski, on parle de quadrivecteurs contravariants. À partir de cette base et du produit scalaire de l'espace de Minkowski, on construit une autre base vectorielle, dite covariante, permettant d'écrire le produit scalaire de manière allégée. Exprimés dans cette seconde base, les quadrivecteurs sont dits covariants.

Dans la théorie de la relativité générale, un quadrivecteur est un quadrivecteur de l'espace tangent de la variété de dimension quatre de cette théorie.

Un quadrivecteur est un tenseur d'ordre 1 (il n'y a qu'un indice).

Le terme quadrivecteur est dû au physicien théoricien allemand Arnold Sommerfeld (-)[7].

Quadrivecteurs covariants et contravariants

Des vecteurs aux quadrivecteurs contravariants : conventions

Dans l'espace-temps de Minkowski, un vecteur a quatre dimensions, et d'un référentiel à l'autre, les changements de coordonnées se font en utilisant les transformations de Lorentz. Plutôt que de vecteur, on parle de quadrivecteur.

Si on a une base vectorielle   { e 0 ; e 1 ; e 2 ; e 3 } {\displaystyle \ \{{\vec {e}}_{0};{\vec {e}}_{1};{\vec {e}}_{2};{\vec {e}}_{3}\}} , où   e 0 {\displaystyle \ {\vec {e}}_{0}} est un vecteur directeur de l'axe temporel, un vecteur s'écrit habituellement i = 0 3 u i . e i {\displaystyle \sum _{i=0}^{3}u^{i}.{\vec {e}}_{i}} , où   { u 0 ; u 1 ; u 2 ; u 3 } {\displaystyle \ \{u^{0};u^{1};u^{2};u^{3}\}} sont les coordonnées du quadrivecteurs, et   u 0 {\displaystyle \ u^{0}} est la coordonnée temporelle. La base de l'espace étant donnée, l'expression du quadrivecteur dans cette base s'appelle quadrivecteur contravariant.

Les conventions d'écritures sont précises : les indices des vecteurs sont en bas   ( e i ) {\displaystyle \ ({\vec {e}}_{i})} , ceux des coordonnées sont en haut   ( u i ) {\displaystyle \ (u^{i})} . En général la flèche au-dessus des vecteurs est omise :   e i = e i {\displaystyle \ {\vec {e}}_{i}=e_{i}} .

La convention d'Einstein sur les indices permet d'omettre le symbole de sommation : i = 0 3 u i . e i = u i . e i {\displaystyle \sum _{i=0}^{3}u^{i}.e_{i}=u^{i}.e_{i}} .

Dans une base donnée, un quadrivecteur   u {\displaystyle \ u} est identifié au quadruplet de ses coordonnées contravariantes : u = ( u 0 ; u 1 ; u 2 ; u 3 ) = ( u i ) i = 0 ; 1 ; 2 ; 3 {\displaystyle u=(u^{0};u^{1};u^{2};u^{3})=\left(u^{i}\right)_{i=0;1;2;3}}

De la base covariante aux quadrivecteurs covariants

En relativité restreinte, l'espace est l'espace-temps de Minkowski et est doté de la forme bilinéaire symétrique associée à la forme quadratique due à l'intervalle d'espace-temps. Cette opération est souvent désignée, par analogie avec les vecteurs classiques, au produit scalaire[8]. Connaissant une base   { e 0 ; e 1 ; e 2 ; e 3 } {\displaystyle \ \{e_{0};e_{1};e_{2};e_{3}\}} telle que l'axe de   e 0 {\displaystyle \ e_{0}} soit l'axe temporel du référentiel, cette forme bilinéaire est définie par   u ; v = u 0 . v 0 u 1 . v 1 u 2 . v 2 u 3 . v 3 = i = 0 3 η i j . u i . v j {\displaystyle \ \langle u;v\rangle =u^{0}.v^{0}-u^{1}.v^{1}-u^{2}.v^{2}-u^{3}.v^{3}=\sum _{i=0}^{3}\eta _{ij}.u^{i}.v^{j}} , où ( η i i ) = ( 1 ; 1 ; 1 ; 1 ) {\displaystyle \left(\eta _{ii}\right)=(1;-1;-1;-1)} et   η i j = 0 {\displaystyle \ \eta _{ij}=0} pour   i j {\displaystyle \ i\neq j} est appelé métrique de Minkowski.

On cherche alors une base, dite duale ou covariante,   { e 0 ; e 1 ; e 2 ; e 3 } {\displaystyle \ \{e^{0};e^{1};e^{2};e^{3}\}} (par convention les indices de ces vecteurs sont en haut) telle que   e i ; e j = δ j i = δ i j {\displaystyle \ \langle e^{i};e_{j}\rangle =\delta _{j}^{i}=\delta _{ij}} , où   δ j i = δ i j {\displaystyle \ \delta _{j}^{i}=\delta _{ij}} est le symbole de Kronecker.

On trouve   e 0 = e 0 {\displaystyle \ e^{0}=e_{0}} et   e i = e i {\displaystyle \ e^{i}=-e_{i}} pour   i = 1 ; 2 ; 3 {\displaystyle \ i=1;2;3} . Dans cette base covariante, les coordonnées d'un quadrivecteur   u = u i . e i {\displaystyle \ u=u^{i}.e_{i}} sont notées   u i {\displaystyle \ u_{i}} (les indices des coordonnées sont en bas) : on trouve   u 0 = u 0 {\displaystyle \ u_{0}=u^{0}} et   u i = u i {\displaystyle \ u_{i}=-u^{i}} pour   i = 1 ; 2 ; 3 {\displaystyle \ i=1;2;3} .

On écrit   u = u i . e i {\displaystyle \ u=u_{i}.e^{i}} et on parle de quadrivecteur covariant. On a :   u = u i . e i = u i . e i {\displaystyle \ u=u^{i}.e_{i}=u_{i}.e^{i}} .

La forme bilinéaire s'écrit alors :   u ; v = i , j = 0 3 u i . v j e i , e j = i , j = 0 3 u i . v j . δ j i = i = 0 3 u i . v i = u i . v i {\displaystyle \ \langle u;v\rangle =\sum _{i,j=0}^{3}u_{i}.v^{j}\langle e^{i},e_{j}\rangle =\sum _{i,j=0}^{3}u_{i}.v^{j}.\delta _{j}^{i}=\sum _{i=0}^{3}u_{i}.v^{i}=u_{i}.v^{i}} . La forme étant symétrique, on a   u ; v = u i . v i = u i . v i {\displaystyle \ \langle u;v\rangle =u_{i}.v^{i}=u^{i}.v_{i}} .

La méthode est identique en relativité générale où la forme bilinéaire s'écrit   u ; v = i , j = 0 3 g i j . u i . v j = g i j . u i . v j {\displaystyle \ \langle u;v\rangle =\sum _{i,j=0}^{3}g_{ij}.u^{i}.v^{j}=g_{ij}.u^{i}.v^{j}} , où   g i j {\displaystyle \ g_{ij}} est le tenseur métrique local, avec   ( g i j ) i j {\displaystyle \ \left(g^{ij}\right)_{ij}} la matrice inverse vérifiant   g i j g j k = δ k i {\displaystyle \ g^{ij}g_{jk}=\delta _{k}^{i}} (avec la convention d'Einstein sur les indices). En imposant aussi   e i ; e j = δ j i {\displaystyle \ \langle e^{i};e_{j}\rangle =\delta _{j}^{i}} , on trouve   e i = g i j e j {\displaystyle \ e^{i}=g^{ij}e_{j}} et   u i = g i j u j {\displaystyle \ u_{i}=g_{ij}u^{j}} . Et on peut également écrire   u ; v = u i . v i = u i . v i {\displaystyle \ \langle u;v\rangle =u_{i}.v^{i}=u^{i}.v_{i}} .

La définition des   e i {\displaystyle \ e^{i}} par la forme bilinéaire permet de s'assurer que par changement de référentiel, « la transformée de la covariante est la covariante de la transformée » : si   T {\displaystyle \ T} est une transformation (de Lorentz, pour la relativité restreinte) associée à un changement de base,   { e i } i = 0 ; . . . ; 3 {\displaystyle \ \{e_{i}\}_{i=0;...;3}} la base initiale et   { f i } i = 0 ; . . . ; 3 {\displaystyle \ \{f_{i}\}_{i=0;...;3}} la base transformée   f i = T ( e i ) {\displaystyle \ f_{i}=T(e_{i})} , alors du fait que   T ( u ) ; T ( v ) = u ; v {\displaystyle \ \langle T(u);T(v)\rangle =\langle u;v\rangle } , on obtient   f i = T ( e i ) {\displaystyle \ f^{i}=T(e^{i})} .

Remarques

En relativité générale, une base de l'espace tangent étant donnée, on a   e i ; e j = g i j {\displaystyle \ \langle e_{i};e_{j}\rangle =g_{ij}} , résultat invariant par changement de base : une autre base   ( f i ) i {\displaystyle \ \left(f_{i}\right)_{i}} vérifie   f i = T ( e i ) {\displaystyle \ f_{i}=T(e_{i})} et   f i ; f j = T ( e i ) ; T ( e j ) = e i ; e j = g i j {\displaystyle \ \langle f_{i};f_{j}\rangle =\langle T(e_{i});T(e_{j})\rangle =\langle e_{i};e_{j}\rangle =g_{ij}} .
Dans un espace euclidien, en choisissant une base orthonormée, on a   e i ; e j = δ i j {\displaystyle \ \langle e_{i};e_{j}\rangle =\delta _{ij}} , et donc   e i = e i {\displaystyle \ e^{i}=e_{i}} .

Quadriscalaires et norme

De par la nature tensorielle même des quadrivecteurs, on sait que le résultat du produit scalaire de deux quadrivecteurs doit être un scalaire invariant peu importe le choix du référentiel, dans la mesure où les deux quadrivecteurs qui ont été multipliés ensemble étaient exprimés dans le même référentiel. Dans le contexte de la relativité, on appelle quadriscalaire les quantités dont la valeur est indépendante du choix de référentiel, et qui peuvent donc être exprimés comme le produit scalaire de deux quadrivecteurs.

En particulier, il est possible de faire le produit scalaire d'un quadrivecteur avec lui-même. Par analogie avec les vecteurs classiques, on appelle le résultat la norme du quadrivecteur, et il est garanti que c'est un quadriscalaire. Les quadriscalaires qui sont la norme d'un quadrivecteur ont généralement une signification physique importante quant aux propriétés physiques de l'objet décrit par le quadrivecteur[8].

Quelques exemples de quadrivecteurs

  • Quadrivecteur position-temps:
x a = ( t , r ) = ( t , x , y , z ) {\displaystyle x^{a}=(t,{\mathbf {r} })=(t,x,y,z)} ,
ou
x a = ( c t , r ) = ( c t , x , y , z ) {\displaystyle x^{a}=(ct,{\mathbf {r} })=(ct,x,y,z)} .
u a = d x a d τ {\displaystyle u^{a}={\frac {{\rm {d}}x^{a}}{{\rm {d}}\tau }}} ,
ou
u a = d x a c d τ {\displaystyle u^{a}={\frac {{\rm {d}}x^{a}}{c{\rm {d}}\tau }}} ,
τ est le temps propre, c'est-à-dire le temps qui serait indiqué par une horloge qui serait attaché à l'objet dont la trajectoire aurait le vecteur vitesse correspondant. Le quadrivecteur vitesse est par définition de norme fixée (par norme on entend la quantité η a b u a u b {\displaystyle \eta _{ab}u^{a}u^{b}} , voir paragraphe ci-dessus), égale, selon la convention de coordonnée et de signe choisie à c2, -c2, 1, ou -1. La composante temporelle du quadrivecteur vitesse est déterminée par la condition que la norme soit égale à la valeur imposée.
  • Quadrivecteur impulsion (quadri-impulsion). Pour une particule de masse non nulle :
p a = m d x a d τ {\displaystyle p^{a}=m{\frac {{\rm {d}}x^{a}}{{\rm {d}}\tau }}} ,
ou
p a = m d x a c d τ {\displaystyle p^{a}=m{\frac {{\rm {d}}x^{a}}{c{\rm {d}}\tau }}} ,
τ est le temps propre. Le quadrivecteur impulsion possède une norme fixée, égale, selon la convention de coordonnée et de signe choisie à m2c2, -m2c2, m2, ou -m2. La composante temporelle du quadrivecteur vitesse est déterminée par la condition que la norme soit égale à la valeur imposée. On peut montrer qu'elle s'identifie (à une constante près) à l'énergie de l'objet telle qu'elle serait mesurée par un observateur immobile par rapport aux coordonnées x, y, z.
  • nabla: {\displaystyle \nabla } a est un opérateur covariant. Ses composantes spatiales s'identifient (au signe près) au gradient et sa composante temporelle s'identifie à la dérivée temporelle (à une constance 1/c) près. Sa pseudonorme s'identifie au d'alembertien

Notes et références

  1. « quadrivecteur », sur Larousse (consulté le ).
  2. a b c et d Taillet, Villain et Febvre 2018, s.v. quadrivecteur, p. 609, col. 1.
  3. a b c et d Gourgoulhon 2010, chap. 1er, sect. 1.1, § 1.1.1, p. 3.
  4. Semay et Silvestre-Brac 2021, chap. 8, introd., p. 134.
  5. Hakim 2001, chap. 3, sect. 1, § 3, p. 78.
  6. a et b Pérez 2016, chap. 2, sect. III, § III.1, p. 31.
  7. Gourgoulhon 2010, chap. 1er, sect. 1.6, n. histor., p. 26.
  8. a et b James H. Smith, Introduction à la relativité, Paris, InterÉditions, , 317 p. (ISBN 2-225-82985-3)

Voir aussi

Bibliographie

  • Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 2 : Théorie des champs [détail des éditions], en particulier le §6.
  • Relativité générale et gravitation, Edgard Elbaz, éditions ellipses, 1986, (ISBN 2-7298-8651-6) : chapitre 3 Analyse tensorielle.
  • [Gourgoulhon 2010] Éric Gourgoulhon (préf. Thibault Damour), Relativité restreinte : des particules à l'astrophysique, Les Ulis et Paris, EDP Sciences et CNRS, coll. « Savoirs actuels / physique », , 1re éd., XXVI-776 p., 15,5 × 23 cm (ISBN 978-2-7598-0067-4 et 978-2-271-07018-0, EAN 9782759800674, OCLC 731758818, BNF 41411713, DOI 10.1051/978-2-7598-0923-3, SUDOC 14466514X, présentation en ligne, lire en ligne).
  • [Hakim 2001] Rémi Hakim, Gravitation relativiste, Les Ulis et Paris, EDP Sciences et CNRS, coll. « Savoirs actuels / astrophysique », , 2e éd. (1re éd. ), XV-310 p., 15,8 × 23 cm (ISBN 2-86883-370-5 et 2-271-05198-3, EAN 9782868833709, OCLC 2868833705, BNF 39918721, SUDOC 060559675, présentation en ligne, lire en ligne).
  • [Pérez 2016] José-Philippe Pérez (collab. Éric Anterrieu), Relativité : fondements et applications, Paris, Dunod, hors coll., (réimpr. ), 3e éd., XXIII-439 p., 17,7 × 24 cm (ISBN 978-2-10-074717-7 et 978-2-10-077295-7, EAN 9782100747177, OCLC 949876980, BNF 45033071, SUDOC 193153297, présentation en ligne, lire en ligne).
  • [Semay et Silvestre-Brac 2021] Claude Semay et Bernard Silvestre-Brac, Relativité restreinte : bases et applications, Malakoff, Dunod, coll. « Sciences Sup », , 4e éd. (1re éd. ), X-309 p., 17 × 24 cm (ISBN 978-2-10-082836-4, EAN 9782100828364, OCLC 1286364270, BNF 46915115, SUDOC 258655097, présentation en ligne, lire en ligne).
  • [Taillet, Villain et Febvre 2018] Richard Taillet, Loïc Villain et Pascal Febvre, Dictionnaire de physique, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, hors coll., , 4e éd. (1re éd. ), X-956 p., 17 × 24 cm (ISBN 978-2-8073-0744-5, EAN 9782807307445, OCLC 1022951339, BNF 45646901, SUDOC /224228161, présentation en ligne, lire en ligne), s.v. quadrivecteur, p. 609.

Articles connexes

Liens externes

  • Cours sur la théorie de la relativité de l'université de Nantes
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